"Politiquement incorrects, les fastes des fêtes de fin d’année? Matignon l’a demandé aux ministères: il faut veiller, en ces temps de crise, à éviter toute dépense inutile, y compris pour ce qui touche à Noël et aux traditionnelles cérémonies de vœux du Nouvel an. Une consigne que se sont également appliquées la plupart des collectivités locales.
Au conseil général de Seine Saint Denis, la question n’a pas fait longtemps débat. La cérémonie des vœux, qui représente une dépense annuelle de 900 000 euros, a été purement et simplement supprimée.
Au menu de l’édition précédente: des décorations, un traiteur de luxe, petits fours et surtout 3000 invités venant des forces vives, élus et associations, qui déambulaient dans l’hôtel du département.
Selon l’entourage du Président du conseil, Claude Bartolone (PS), l’annulation de la cérémonie a des raisons symboliques et économiques: "Il était indécent de manger des petits fours et de boire du champagne vu le contexte actuel." Mais surtout, le 93 tient le triste record du département le plus endetté de France (800 millions d’euros), et 97% de ses emprunts sont des emprunts toxiques, provenant de montages financiers dangereux.
Ce genre de décisions est à la mode chez les élus: à Strasbourg (PS), à Marseille (UMP), dans les conseils généraux des Hautes-Alpes (UMP) ou de Charente-Maritime (UMP), on a aussi rogné de manière significative sur les dépenses.
Mieux vu encore, certains transforment ces soirées en œuvre sociale, comme à Montpellier. A la place de la cérémonie des vœux, la mairie invite toute la population à déguster vin et chocolat chauds. Double avantage: tout le monde peut participer et 50 000 euros sont économisés. Ils iront à des associations caritatives, et les voeux du Nouvel an seront envoyés par Internet.
Jean-Michel Pierre, directeur-adjoint du cabinet du maire Hélène Mandroux (PS), reconnaît que "la population et les corps constitués sont très attachés à ces cérémonies", mais estime qu’"il était mal venu de les célébrer cette année avec le même faste".
"Lutter contre la sinitrose
D’autres ont décidé de maintenir les cérémonies des voeux, bon gré mal gré. "Pour lutter contre la sinistrose", affirme Patrick Devedjian, à la tête du conseil général des Hauts-de-Seine (UMP), dans le Figaro du 23 décembre.
"C’est une tradition", affirme-t-on à son cabinet, qui refuse pourtant de révéler le budget total alloué aux soirées.
A Neuilly, les six cérémonies prévues chaque année pour les forces vives, enseignants ou gardiens d’immeuble, sont toutes maintenues. Mais les temps sont durs aussi dans cette banlieue chic de la capitale.
Cette année la mairie a donc courageusement renoncé à faire appel à un traiteur prestige, et le champagne sera remplacé par un vin blanc à 3,80 euros la bouteille. Pour Philippe Cuesta, adjoint au directeur de cabinet du maire UMP Jean-Christophe Fromentin:
"Nous voulons prendre en compte le contexte national. La politique de Jean-Christophe Fromentin a une dimension sociale importante, ne donnons pas ce sentiment de décalage avec la société."
Mais là encore, on ne communique pas de chiffres.
Le cas unique de Puteaux
Dans ce paysage de désolation festive, une ville brille toujours par le faste des évènements. A Puteaux (Hauts-de-Seine), ville de 42 000 habitants dirigée par Joëlle Ceccaldi-Raynaud (UMP), les décorations de Noël coûtent, cette année comme les précédentes, 1 million d’euros.
Sans compter les 900 000 euros pour l’animation Puteaux en neige, qui offre pendant deux semaines deux patinoires et quelques autres activités.
Les cérémonies pour les personnalités ont tout de même été annulées. Seule restera la soirée pour le personnel municipal: cette année, spectacle Buffalo Bill à Disney Village, pour un coût total de 84 000 euros.
La mairie veut tout de même faire preuve de bonne volonté: Puteaux en neige aurait dû coûter 1 million d’euros, mais cette année les petits Putéoliens ne glisseront pas sur de la neige importée des Alpes. Ils devront se contenter de neige artificielle.
Pour Christophe Grébert, conseiller municipal de Puteaux (Modem) et célèbre blogueur, "le maire réduit à la marge, une économie de 100 000 euros sur un million, ce n’est pas grand-chose. On est dans la gabegie".
Sans compter le Monopoly à l’effigie de Puteaux, lancé le 16 décembre. La mairie y a investi 83 300 euros, et y laissera des plumes puisqu’elle n’en offre à la vente que 2000 exemplaires à 32 euros pièce.
"Ce n'est pas facile de tout changer
Finalement, cette vague de restrictions n’est-elle pas l’occasion de se poser la question qui fâche: à quoi servent réellement ces cérémonies? De l’argent public dépensé à des fins électoralistes, diront les mauvaises langues.
A Montpellier, on défend la tradition: "Ce n’est pas facile de tout changer", confie Jean-Michel Pierre. Au conseil général de Seine Saint Denis, on privilégie l’approche pragmatique:
"Chaque euro dépensé doit être un euro utile aux habitants. De toutes façons, nos finances sont dans un très mauvais état."
Le revers de la médaille, c’est que toutes ces cérémonies annulées représentent autant d’argent non réinjecté dans l’économie française: les artisans concernés font la tête, ces
commandes pouvaient représenter jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaire annuel."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire