La semaine dernière (07/10/09) a paru dans le Washington Times un article qui m'a tenu à coeur pour plusieurs raisons: il concernait la Chine, le sujet était intéressant (sans dire émouvant...), et enfin un de mes collègues m'a gentiment conseillée d'y aller à sa place, car il savait que je pourrais interviewer le mec en chinois.
Bref, il était une fois le monde merveilleux de Tian an men un 03 juin 1989. Fang Zheng, brillant athlète avec un avenir tout doré de médailles devant lui, a le malheur de vouloir être galant: il aide une manifestante à s'échapper pour ne pas être écrasée par un char qui fonce droit sur eux. Sauf que c'est lui qui s'est pris le char, et que ses deux jambes ont été sectionnées net.
Pas grave, en Chine on a de la volonté. Il devient alors un athlète en fauteuil roulant, excellant au disque et lancer de javelot et ramassant les médailles à diverses compétitions. Mais il faut toujours se méfier avec les autorités chinoises: un beau jour de 1994 elles interdisent à Fang Zheng de se rendre à une compétition de peur qu'il ne parle de Tian an men et de la façon dont il a perdu ses jambes aux journalistes étrangers.
A partir de ce moment-là sa vie ressemble un peu à un enfer: surveillance, téléphone écouté, pas de boulot sauf des petits jobs par ci- par là, il rencontre pourtant sa femme Zhu Jin et se marient vers 1999.
Avant les JO de Pékin 2008, les autorités chinoises lui interdisent de se rendre à Pékin, et gardent toujours son passeport. Un jour un reporter allemand l'appelle et lui demande une interview après les Jeux...et par magie son passeport lui est rendu. Comme quoi le bureau de sécurité à l'oreille longue et fine! Il finit, avec l'aide d'associations et d'anciens leaders de Tian an men maintenant exilés au USA, par partir avec femme et fille sous le bras aux Etats-Unis, où il vit maintenant depuis mars 2009, en Californie.
Ces associations se sont démenées pour qu'il reçoive de nouvelles prothèses en fibre de carbone, le top du top en la matière, généreusement données par une entreprise ricaine leader en la matière. Coût du matériel, pose, réeducation: plus de 100 000 dollars, tout ça gratos, pour qu'il puisse enfin remarcher après 20 ans.
Alors que le Dalai Lama était à Washington en même temps (et snobé par un Obama pré-Nobel), que la Chine populaire fêtait ses 60 ans la semaine précédente (1er octobre), Fang Zheng a choisi de danser pour la première fois avec sa femme au Capitole, histoire de dire que le régime chinois l'a peut-être empêché de marcher pendant 20 ans, mais que les USA lui donnait l'opportunité de se remettre debout au sens propre comme au figuré. Tout cela gratuitement. Il est pas beau l'American dream?
Après la conférence de presse, il s'est donc levé, a laissé sa béquille, et a entraîné sa femme dans une valse qui ma fois n'était pas si mal que ça. C'était très émouvant, tout le monde pleurait, même les Chinois.
Petite anecdote (qui a été coupée dans mon article): Michael Horowitz du Hudson Institute, qui organisait l'évènement, a remis un prix (pour de rire) au bureau de sécurité de Pékin et au jeune homme zêlé qui écoutait le téléphone de Fang Zheng et a donc su pour l'interview avec le reporter allemand et le besoin de lui rendre son passeport -qui a permis sa fuite vers les USA. "Je voudrais remercier le jeune homme qui écoutait le téléphone, ses longues oreilles ont permis à Fang Zheng d'être ici aujourd'hui avec nous."
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